
Le samedi 6 mai, vers midi, la vidéo « LIVE » de Katherine Davidson a fait le tour des réseaux sociaux du Québec, et de partout à travers le monde. Elle et un autre témoin, en état de panique, affirment avoir vu les policiers tirer sur un chien qui ne bougeait pas. Le Service de police de Laval a confirmé plus tard que le chien avait été abattu car il chargeait un policier. Nous avons eu la chance de pouvoir discuter avec Katherine Davidson, qui une fois au calme a pu répondre à nos questions :
Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer quelle est votre expérience dans le domaine canin?
Je travaille avec les chiens depuis 2013. Je suis bénévole pour différents refuges afin de promener les chiens et travailler leur comportement. Éducatrice canine depuis 2015, j’ai suivi des formations d'apprentissage sur le comportement canin au Dogue Shop et à l’Academy for Dog Trainers.
Que s'est-il exactement passé lorsque vous avez vu qu'il y avait un chien?
Nous avons pris la sortie vers l’avenue des Bois depuis l’autoroute 13 Nord, comme plusieurs autos derrière nous. Nous avons ralenti pour voir ce qui se passait lorsque nous avons aperçu les voitures de police, puis nous nous sommes complètement arrêtés lorsque nous avons remarqué le chien blanc. Il était entre deux voitures (celles des suspects et l’une du poste de police) couché au sol à côté de son propriétaire qui était sur le terrain, en train de se faire arrêter. Il y avait un second policier avec le deuxième suspect, de l'autre côté de leurs voitures, et un 3e qui se tenait debout à quelques mètres du chien. Quelques instants après notre arrivée, nous avons vu celui qui était avec le suspect sur le terrain, sortir son arme de son étui et tirer sur le chien 3 ou 4 fois. Nous avions une vue directe sur cet officier qui a tiré sur le chien.
Pensez-vous qu'il est possible que vous soyez arrivés après le premier tir?
Oui, c'est vraiment possible. Je peux seulement témoigner de ce que j'ai vu quand j'étais là. Si le chien était déjà blessé, cela pourrait expliquer pourquoi il était étendu sur le sol sans charger les officiers (comme je l'ai vu). Les coups de feu que nous avons vus ont été expliqués par la police : celle-ci a dit que cela avait pour but de mettre fin aux souffrances du chien - même si le Centre Vétérinaire Laval (un hôpital d’urgence pour animaux) était à seulement 3 minutes de l'incident.
Que faisait le chien quand vous l'avez vu au début?
Le chien était couché à côté du propriétaire. Il était haletant, ce qui est souvent associé au stress. En revenant sur le moment, nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour analyser les émotions du chien, mais il n'y avait pas de signes de comportement agressif lorsque nous observions la situation (pas de dents sorties, de charge, d’aboiements, etc.)
Pensez-vous que les policiers ont besoin d'apprendre le langage corporel canin et de recevoir une formation de prévention contre les morsures?
Certainement, et avec la possibilité que la LSR (BSL) soit appliqué dans toute la province, les rencontres avec des chiens vont sûrement augmenter. Il est important que la police soit capable de gérer des situations avec des animaux pour garder tout le monde en sécurité, y compris eux-mêmes - et de le faire sans l'utilisation d’une arme à feu.
En tant qu'éducatrice canine, que pensez-vous du fait que la police tire sur un chien qui charge? Quand un chien court vers un inconnu est-ce toujours un signe d'agressivité?
Si le chien agissait de manière agressive, ils avaient en main d'autres outils (poivre de Cayenne, bâton, etc.), qu’ils auraient pu utiliser afin de le placer dans un endroit sûr et d’éviter que quelqu’un ne soit blessé. Les chiens peuvent charger les gens de manière agressive, mais ils peuvent aussi courir vers eux afin de les accueillir et de leur manifester de la sympathie. Dans le contexte de cette situation, il est donc effectivement possible que le chien ait couru hors de la voiture pour charger l'officier.
Pensez-vous que la police a fait une erreur en ne demandant pas aux propriétaires du chien de le contrôler en laisse ou de le laisser dans l'auto?
Dans ces circonstances, je ne crois pas que leur premier instinct était de gérer le chien, mais bien d’arrêter leurs suspects. Il y avait cependant un troisième officier qui aurait pu fermer la porte de la voiture. Cependant, je crois que si les officiers étaient mieux renseignés sur les techniques de manipulation des animaux, la vie du chien aurait pu être épargnée.
Pour en finir, voici quelques mots que Katherine Davidson a rajouté à la fin de cette entrevue :
« Le chien n'était pas menaçant à ce moment-là, et les coups de miséricorde pour mettre fin à sa vie n'étaient pas nécessaires (il n'y avait aucune menace). J'ai été témoin d'une exécution et ceci restera en moi pour le reste de ma vie. Je n'avais pas besoin de voir ce chien mourir ce samedi-là. C'était un mauvais jugement de l'agent et j'espère voir à l’avenir des policiers éviter d'utiliser leurs armes à feu en prenant mieux en main ce type de situation. »
Nous avons également discuté avec Katherine Lamothe, éducatrice canine, afin qu’elle nous raconte une aventure qu’elle a vécu avec deux agents du même service de police :
Que vous est-il arrivé avec la police de Laval?
Il y a environ 3 ou 4 ans, je revenais chez moi, avec mes chiens. Lorsque nous sommes sorti de l’auto, Magik, mon chien de type Pit Bull (qui n’a aucunement de races bannies en lui), est resté à un mètre de moi, tournant en rond pour faire ses besoins. En même temps, deux jeunes hommes dans un voiture blanche se sont arrêté dans la rue, derrière mon camion, et sur le coup j’ai pensé qu’ils regardaient mes formes car ils riaient tout deux. J’ai alors sorti la tête de mon camion afin de leur demander si je pouvais les aider et à ce moment-là, pris de court, les policiers m’ont répondu, en bégayant un peu, que mon chien n’était pas attaché.
Je leur ai dit que je sortais mes sacs, que j’allais entrer mon chien à l’intérieur quand il finirait ses besoins, et que rien ne nécessitait leur intervention en avant de chez moi. Vraisemblablement mécontents de ma réponse, ils ont reculé, stationné leur auto et sont tous les deux sorti de leur véhicule. Ils m’ont informé que les chiens devaient toujours être attachés. Dans ce temps, je ne savais pas que même sur un terrain privé, un chien devait l'être. Je suis éducatrice canine, mes chiens répondent parfaitement à mes commandements et ils sont parfaitement socialisés. Je leur ai donc demandé de m’informer clairement de ce règlement et de me le montrer. Puisque je n’ai pas coopéré immédiatement avec eux, ils ont continué leur intervention en mentionnant que Magik était agressif….
Lorsque ceux-ci discutaient avec moi, mon chien s’est avancé très calmement vers un des policier, en branlant la queue, espérant recevoir des câlins. Je leur ai demandé pourquoi ils avaient dit cela, car mon chien n’avait pas grogné, ni montré les dents, jappé, braqué, mis queue en l’air ou pointé ses oreilles vers l’avant, pas de pillo-érection… Rien! Le policier a répondu : « Ben, il a marché vers moi et a essayé de mettre ses pattes sur moi! » J’ai eu très peur pour mon chien! Comment peut-on interpréter si mal le comportement d’un chien, quand on a le pouvoir de le tuer, si on se sent menacé. Pourtant, mon chien n’avait rien fait, sauf une demande de câlins. Rien ne justifiait cette accusation, qui aurait pu mettre fin à ses jours dans d’autres circonstances.
Comment pensez-vous que les policiers pourraient mieux gérer les situations avec certains chiens et quelle est l'importance de savoir décoder le langage corporel canin?
Tout policier ou tout citoyen, et surtout ceux qui ont le pouvoir d’abattre un être vivant, devrait avoir une formation sur le langage canin. L’accusation qu’ils ont porté contre mon chien n’était aucunement justifiée. Savoir décoder le langage canin est primordiale pour la sécurité de tous: policiers, humains et animaux. Un chien peut paniquer facilement s'il voit son maitre en détresse et ce comportement est tout à fait normal. Procéder à l'isolement d'un chien inconnu avant toute action est primordiale.